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jeudi 3 novembre 2016

AUTOUR DU CRI avec Jean Dubuffet et Francis Bacon.

LES CHANTS DES QUATRE NOUVELLES BRANCHES DU MABINOGI
Première saison : En un certain combat final.


Pleure et applaudit - 1961. Pièce sonore de Jean Dubuffet - 1901-1985.

Atelier-studio du peintre "crieur" Francis Bacon - 1909-1992.

Chant 4

Iwerrydd Bérlache

Iwerrydd, mourir en bouche. Tu es avancée, fragile, Iwerrydd ! Mourir en bouche.
Iwerrydd. au creux profond de ta gorge maternelle verser des soleils acajou
Pour éteindre la stridence du cri muet de l'angélique embryon fécondé
Des graines sacrées de Blodeuwedd l'infidèle, par Gwawl, l'authentique charogne.  
Jolie Iwerrydd, j'ai dans le ventre une église qui s'effrite,
Rongée de poussières de cimenterie. Et mangés, de même, les poumons condamnés
À filtrer la ciguë de notre petite bourgade qui ne pipe mot
- peu pèse le tribut de vie tant que perdure l'emploi poison.
Caressante Iwerrydd j'ai aussi dans le ventre une vieille langue pourrissante
Et en gorge un cri de Bleiz. Et par la bouche... Aaaargh !
Àcoute bin ! L'mëneu dech Carabanc i avot brainmint kér el rad'té.
Abile toudi abile, abile i dévalot abile. Din chés bassures rade rade !
Toudi fèle é-pi din ch'bérlache ostrènme vlaù l'ahure feinale. Aaaargh !
L'bérlache edpu eque j'a ké.u din l'monne. Ech bérlache
Conme in clo cron. Din min gaziot i joke mie toudi parèl
Ch'bérlache qu'in n'sèt nin détonbir pi i toerne, bérlache,
Cha toerne é-pi cha s'àtoerne, eddin, ch'bérlache innzou l'pio
- Ouèche eque chés jins qu'i sè'te toute, i n'veul'te pon
Ell intinde, ech bérlache. Pinséz ! Core toudi l'bérlache i toerne, i
Toerne - 'idju ! - réconparape à ènne épiule, aguile, qu'ale toerne, toerne-toerne
Din mn'eul d-ou qu'ale s'intike cor in d'àrtoernaint
Sur li-mènme pour èle s'infiké din m'cacoigne ed labeu.
Cha fét d'ma, l'bérlache-la, ch't'ènne rude angouche.
Ch'ét ll'éxistinche, ichi in ba, qué dalache, ch'é-t insin.
Filacar dérachant l'pio, fu qu'in n'sèt nin l'éwanté,
Qu'i broule ! Ch'ét ch'bérlache incrinké din m't:ète machurée,
Pi i m'vinkira. Répiyeu qu'i rakeur bérlache por et'dire :
"Ch'ét pon pace eque te sake su l'keue dech sorét
Eque ti t'aira du caviar. "Ch'ét pon nin-pu pace eque
Te t'acate ènne rikinpète d'épeut'nal equie ti te t'sintira
Fin bébache à l'f:ète-gardiniére à no përzidint" pi àcoute, te peu
Résséyé d'canjé tout d'ti, ech bérlache i n'canjra mie.

Aaaargh ! Renaître. Tu es sacrée, ô Iwerrydd ! Renaître en ta bouche sacrifiée.
Iwerrydd divine - au secret de ton corridor tabou parachuter le saint miel.
Dans la sagace stridence de l'étreinte pénétrante du bienveillant Hu Kadarn,
Effacer de nos coeurs l'empreinte de Diafwl, l'authentique charogne fécondée.

En vers arithmonymes de douze.

Traduction de la partie en picard : Ecoute bien ! Le conducteur du char à bancs (en fait, c'est un autocar) aimait bravement la vitesse. / Vite, toujours plus vit, vite il dévalait. Dans les fonds, promptement ! / Toujours dare-dare et dans l'extrême hurlement, voilà l'infortune finale. Aaaargh ! / Le cri tel que depuis que je suis tombé dans le monde. Le cri / Comme un clou tordu. Dans mon gosier jamais identique il ne reste / Le cri qu'on ne peut desserrer et il tourne, cri, / ça tourne et ça se retourne en soi, ce cri sous la peau / Là où ceux qui savent tout ne veulent pas / L'entendre, le cri, dites voir ! Encore, toujours tourne le cri, il / Tourne - crédieu ! - pareil à l'épingle, l'aiguille, qui tourne, et tourne-tourne / Dans mon oeil où elle se fiche encore en se retournant / Sur elle-même pour s'enfoncer dans ma cervelle de pauvre hère. / Il fait souffrir, ce cri, oui, quelle douleur atroce. / Mais c'est ainsi, l'existence ici-bas est telle. / Barbelé déchirant la chair, feu auquel on ne peut échapper, / Et qui brûle ! C'est le cri embranché dans ma tête meurtrie, / Et il me vaincra. C'est rugueux que r'accourt le cri pour te dire : / "ça n'est pas parce que tu tires sur la queue du hareng-saur / Que tu auras du caviar. Ce n'est pas parce que tu achètes une redingote d'épouvantail que tu te sentiras / Béat d'aise à la garden-party du président" Et écoute, tu peux bien / Essayer de changer tout de toi, le cri, lui, ne changera pas.

Notes :

Iwerrydd : Vieux prénom féminin gallois.

Bérlache : En picard signifie : Puissante lamentation sonore.

Blodeuwedd : En gallois signifie : Née des fleurs. C'est une femme merveilleusement belle, crée par magie par Math et Gwydyon à partir de fleurs de chêne, de genêt et de reines-des-prés pour être l'épouse de Lleu.

Gwawl : En gallois signifie : Primate de race inférieure, bandit et pillard.

Cigüe : Plante qui est trés toxique.

Bleiz : En gallois signifie : Homme-loup, c'est aussi le nom du confident et scribe de Merlin.

Hu Kadarn : En gallois signifie : Le vaillant, le glorieux. Hu Kadarn est le guerrier qui combat Cythraul, le prince des ténèbres. Civilisateur, il est aussi l'instructeur des hommes. Il épouse la déesse Cerridwen.

Diafwl : En gallois signifie : Le chef des diables.

JEAN DUBUFFET - 1901-1985.

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